Ma vie d'infirmière

Parce que ce décès m'a touché...

Parce que c'est la première fois que j'y suis confronte en tant qu'infirmière...

J'ai décide de l'ecrire pour "poser les choses"car pas tout le monde ne souhaite ecouter cela et que j'ai besoin d'en parler ... pour ceux qui pensent que ca peut être trop dur ne lisez pas svp...

Ce patient est rentré voila plus d'un mois pour son cancer (un myélome) se généralisant, avec apathie, dyspnée...Pronotic sombre...Tout le monde sait qu'il ne sortira du service que pour aller voir St Pierre comme on dit chez nous...

C'est le genre de patient qui épuise tout une équipe en peu de temps: il passe ses journées la sonnette dans la main a nous sonner: pour bouger un verre, monter ou baisser la tete de lit...(alors qu'il est capable de le faire)

J'ai passer ces quatres jours avec lui, le soir sa fille sortait de la chambre régulièrement en pleurs venant chercher secours à l'infirmerie: "il m'epuise, me néglige, me jette ces médicaments à la figure, je le supporte plus je m'en vais...c'est trop dur..."

Hier pourtant sa fille m'appelle pour me demander ce qu'il se passe: Son père le harcèle depuis une heure  pour lui dire qu'on l'a enfermé à clé dans une pièce seule...il est dans sa chambre ...et non, nous ne l'avons pas enfermé, on mets juste du temps a répondre ou nous ne donnons plus suite à ses appels....Sa fille comprend.

Je profite alors de la réunion de synthèse pour remonter l'epuisement de mes collègues de nuit, des plaintes des autres patients.J'explique qu'il est surement très angoissé pour nous appeller autant: il faut le soulager...

Le médecin me dit donc qu'il va m prescrire de l'Hypnovel pour la nuit (sédatif que l'on utilise généralement pour sédater les patients angoissées en fin de vie).

20h: je me rend auprès de lui avec l'aide soignante: encore et encore des plaintes il me dit qu'il en a marre, veut mourir...je lui mets donc a perfusion afin que celle ci agisse sur son angoisse au plus vite...Puis je pars et l'entend encore raler, crier, sonner...

Ce matin l'infirmière de nuit me dit qu'il faut revoir le traitement car ca l'endort trop...il s'est agité jusqu' 4h du matin, s'est endormit et depuis parle les yeux fermées , impossible à ouvrir...

Je pars faire mon tour de prise de sang...je l'entend gémir et m'appeller: "Infirmière, aidez-moi...aidez moi.." je l'entend du bout du couloir, je décide d'aller le voir...

Il est dans son lit...1/2 assis, à moitié gris...les yeux fermées,la voix cassé , je le vois aller chercher ses derniers souffles très loin, son thorax se creuse...il utilise ses dernières forces pour m'appeler:je lui tiens la main et lui demande ce qu'il se passe: il n'ouvre pas les yeux et me serre la main en me disant: aidez-moi, ca va pas...Moi,je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va plus...il n'a pas le même teint, la même voix..mais je n'arrive pas à lui faire ouvrir les yeux, il me répete sans cesse aidez moi...Je sors de sa chambre bouleversée la larme l'oeil et je demande à ma collègue de prendre le relève car il part et c'est trop dur à l'accompagner..

Au départ je laisse la porte ouverte, mais je ne peux pas supporter entendre cette agonie en ne pouvant rien faire...je ferme la porte..mais ca me fait mal comment puis-je le laisser partir seul dans sa chambre la porte fermée..alors je ré-entrouvre et me force de ne pas écouter ce qu'il se passe...

07h50: Audrey viens vite voir à la chambre 2XX...R? repondez?R? :puis j'entend l'aide soignant me dire: je crois qu'il est partit...

Me voilà face à mon premier décès, je pensais pouvoir aller le rassurer après mon tour...et je l'ai laisse partir seule...

Ce n'est pas son décès qui m'a touche le plus car il est mieux désormais ..mais les conditions dans lesquelles il est partit...

Et puis, c'est la première fois que j'ai été confronté à appeler une personne pour lui annoncer que son papa nous a quittés...

Je suis contente de partir en repos 5 jours car on part pour une bonne série de décès...c'est toujours comme ca...